Variations polonaises - Le compte-rendu
"Le projet des Variations polonaises — Résistance et Libération a vu le jour le 12 décembre 2023 lors de la première réunion préparatoire aux commémorations du 80e anniversaire de la Libération. Le Vercors était particulièrement concerné en tant que plus important maquis de France. Le projet s’est affiné et le programme s’est finalement déroulé à Lans-en-Vercors et à Villard-de-Lans.
Lans-en-Vercors
Une exposition a été installée dans la coursive du centre culturel et sportif Le Cairn. Elle est consacrée aux internats de lycéennes qui, de 1942 à 1945, ont été accueillis dans quatre hôtels du village. Elle décrit sur 21 panneaux des Parcours de femmes, élèves, professeurs et employés, biographies et témoignages. Une exposition annexe résumait dans la médiathèque, sur quatre panneaux, l’histoire du lycée.
Prévue du 18 juin au 12 juillet, Parcours de femmes a été prolongée jusqu’au 3 septembre. Très bon accueil donc ! L’inauguration a lieu le 23 juin. Elle a été suivie de la projection de À une certaine distance de l’orchestre dans la salle de cinéma Le Clap : un documentaire consacré à la vie du fondateur du lycée polonais, Zygmunt Lubicz-Zaleski.
Villard-de-Lans
Le samedi 14 septembre, les Variations polonaises — Résistance et Libération ont commencé par un dépôt de gerbe sur le tombeau des Polonais. Robert Drzazga, consul général de la République de Pologne à Lyon, et Arnaud Mathieu, maire de Villard-de-Lans, étaient présents, tout comme Romain Zaleski, fils du fondateur du lycée polonais, et sa fille Hélène Zaleski. Une autre gerbe a été déposée à la 7e station du chemin de Croix de Valchevrière, dite station des Polonais.
L’exposition Parcours de femmes a ensuite été inaugurée en présence d’une cinquantaine de personnes. Robert Drzazga et Hélène Zaleski ont pris la parole.
Dans l’après-midi, la Compagnie Léo Nathan, renforcée par des acteurs d’autres horizons, ont raconté comment Jacques Douillet, curé de Villard et sept élèves du lycée ont vécu les heures tragiques de l’été 44. Le texte est basé sur leurs témoignages trouvés dans différentes publications et quatre-vingt-six diapositives illustrent l’histoire. Salle comble et beaucoup d’émotion. Le texte d’Un été 44 sera bientôt disponible sur ce site.
En soirée, au cinéma Le Rex, double projection de documentaires du réalisateur franco-polonais Rafaël Lewandowski, présent dans la salle. D’abord Insurgées !, qui raconte l’histoire du soulèvement du ghetto de Varsovie à travers l’histoire de deux femmes, puis À une certaine distance de l’orchestre, sur la vie de Zygmunt Lubicz-Zaleski.
Le dimanche 14 à la Coupole, repas polonais préparé par les associations Amicale polonaise du Dauphiné et Cuisine et passion en Vercors. La deuxième partie du repas a été animée par des chants et danses de l’association Krakowiak. Une belle réussite avec quelque 110 convives.
Notre association remercie vivement tous les bénévoles qui ont travaillé dur et assuré le succès de ces Variations polonaises, deuxièmes du nom après celles de 2009 (voir nos Actualités). À quand les troisièmes ?
Insurgées ! sera au programme de France 5 le dimanche 13 octobre vers 22 h 30, puis en accès libre sur la plateforme France TV.
Au cimetière de Villard-de-Lans
Robert Drzazga, consul général de la République de Pologne à Lyon, prend la parole…
Dans ce beau décor de montagne, et sur cette terre de France ont reposé, ici à Villard, plusieurs de mes compatriotes.
Henryk Czarnecki et Witold Nowak, deux lycéens de Villard,18 et 16 ans, les enfants de familles des émigrés polonais, tous les deux nés en France, le premier dans le Gard, le deuxième dans le Puy-de-Dôme. Ils ont été tués à Vassieux avec trois autres camarades.
Kazimierz Gerhardt, ingénieur de 39 ans né à Lwów, qui leur enseignait la physique et la chimie. Jan Harwas, 35 ans, né en Westphalie dans une famille de mineurs polonais, doctorant en philosophie, qui leur enseignait le latin… Tous les deux ont été fusillés à Bron près de Lyon.
À leurs côtés repose Wacław Godlewski, le directeur du lycée. Lui, dont presque toute sa vie a été liée aux écoles lilloises, a désiré être enterré à Villard parmi les élèves et collègues de cette école qui pour lui a été une grande œuvre de sa vie.
C’est la présence du lycée polonais qui amena en Vercors mes compatriotes, quelque 800 personnes. En ce temps tragique où la sinistre réalité était l’occupation nazie, tant en France qu’en Pologne, il y avait pourtant des lueurs d’espoir. Espoir, car la volonté de certains n’avait pas plié et la création de ce lycée Cyprian Norwid en est un exemple.
Espoir, car cette création fut le fruit d’une exemplaire coopération entre les Polonais et les Français qui n’acceptaient pas la défaite. Ici je tiens à saluer la mémoire des deux premiers directeurs, Zygmunt Lubicz-Zaleski et Wacław Godlewski, et celle de Marcel Malbos et de Denise, son épouse.
Espoir enfin, car si le lycée a pu traverser cette période jusqu’à la libération, ce ne fut possible que grâce à la coopération des habitants de Villard-de-Lans. Monsieur le Maire, je vous exprime ma gratitude.
Ce ne fut pas sans difficulté, et en particulier lorsque les Allemands décidèrent, à l’été 1944, d’utiliser la force brutale pour anéantir ce foyer de résistance. Résistance, tel est bien le mot le plus important de cette période. C’est bien la Résistance qui permit la Libération. Celle des Polonais se fit non seulement dans des organisations polonaises (POWN, F2…), mais aussi en lien avec la Résistance des Français. Pour quelques-uns des lycéens et professeurs, la Résistance fut d’aller jusqu’à Londres pour revenir en France avec le débarquement des Alliés. Neuf y trouvèrent la mort. Aujourd’hui, quatre-vingts ans plus tard, nous sommes ensemble pour rappeler ce que fut ce lycée si particulier, unique dans toute l’Europe occupée. Et nous sommes aussi rassemblés pour célébrer la victoire de la liberté et pour rendre hommage à ceux qui ont permis cette victoire qu’ils n’ont pas hésité à payer du prix de leur vie.
Arnaud Mathieu, maire de Vilard-de-Lans, prend la parole.
En septembre 1939 débuta l’invasion de la Pologne par l’Allemagne hitlérienne. Deux semaines plus tard, plus à l’est, les forces soviétiques pénétrèrent sur le territoire polonais. Le 6 octobre, cette double campagne s’achèva par la partition et l’annexion du pays par l’Allemagne et l’Union soviétique dans le cadre du traité germano-soviétique d’amitié, de coopération et de démarcation.
À l’instar du gouvernement polonais, la Croix rouge polonaise s’exila en France à l’issue des combats. Cette dernière eut alors pour mission d’aider les Polonais présents en France et dû prendre en considération le besoin de scolarisation des jeunes. Après plusieurs mois de réflexion et avec la défaite de juin 1940, la décision fut prise d’installer le lycée Cyprian Norwid en zone libre à Villard-de-Lans, sous l’impulsion de Wenceslas Godlewski. Ainsi, entre octobre 1940 et juin 1946, 800 élèves, professeurs et employés fréquentèrent le lycée. Certains de ces élèves et professeurs rejoignirent ensuite courageusement la Résistance aux côtés de leurs frères d’armes du Vercors pour s’élever contre la tyrannie nazie. Ils furent 24 à payer de leur vie cette volonté de résister à l’oppression au nom des valeurs universelles et intemporelles de liberté et de fraternité. Tombés au combat sur le plateau ou ailleurs, ou encore assassinés dans les camps, c’est le courage et la mémoire de ces hommes que nous devons honorer aujourd’hui en ce 80e anniversaire de notre libération.
Permettez-moi de citer Wenceslas Godlewski, fondateur et deuxième directeur du lycée, à leur propos comme à celui de tous ces réfugiés : « Partout où leur destin individuel les jeta, ils se sentent profondément unis entre eux et à Villard-de-Lans… Ils savent qu’ils sont et demeurent unis aux hommes et à la terre d’ici pour toujours. Pour eux, le Vercors est une seconde patrie. Faut-il un plus grand hommage et un plus intense remerciement à ceux qui, en 1940, reçurent chez eux les exilés de leur patrie ? Vous leur avez prêté votre toit et versé avec eux votre sang, et à présent ils portent le nom de “Villardiens” sur tous les continents. »
Nous avions inauguré en 2021 l’exposition du lycée polonais, signe de notre volonté d’honorer ce passé. Ce lycée nous place encore au cœur de notre histoire, de la Résistance, de l’immigration polonaise et des relations entre nos deux pays. Le Vercors est si fier de voir ainsi consacrer sa tradition d’accueil.
Je souhaite remercier chaleureusement les autorités polonaises pour leur engagement moral, intellectuel, et matériel ainsi que l’association qui œuvre pour notre devoir de mémoire. Je finirai en citant Marcel Malbos, professeur au lycée polonais du premier au dernier jour, qui s’installa définitivement à Villard en 1947. Pour tous ces hommes et ces femmes, Villard fut un « ilot qui devint roc, refuge, foyer, forteresse ».
Stéphane Malbos, trésorier de notre association, prend la parole…
Il lit des extraits du discours que Marcel Malbos, son père, professeur de français au lycée adressa à ses anciens élèves lors du premier grand rassemblement de notre association en 1976.
« Le lycée Cyprian Norwid a sans doute des origines historiques que l’on peut rechercher en remontant dans le temps au-delà d’octobre 1940, mais je ne suis pas historien, je ne suis témoin, et pour moi le lycée forme une réalité qui se suffit à elle-même, je veux dire qui n’a ni antécédent ni conséquent.
« Il est bien là, effectivement, dans l’histoire événementielle, objective et datée, mais pour en rendre compte dans son identité profonde, dans son caractère unique, je n’ai trouvé qu’un vers de Mallarmé dans le sonnet d’Edgar Poe, Le tombeau :
Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur
« Pour dire vrai, le désastre à l’origine du lycée ne fut pas obscur, mais en 1939 en Pologne, en France en 1940, il fut éblouissant comme l’éclair des naufrages. Par contre, calme bloc c’est bien ce que fut pendant six ans, ce lycée, bien carré, bien planté, à vingt mètres de la mairie, à l’hôtel du Parc et du château, champignon qui croissait sur ce terreau fertile, sur ce gros bourg de Villard-de-Lans.
« Si le Lycée polonais fut créé à Villard-de-Lans, ce ne fut qu’à la suite de cheminements imprévus, de démarches tâtonnantes, d’itinéraires géographiques hésitants dans le sud de la France, en zone libre. Je ne vais pas entrer dans les détails, cela demanderait des heures et des volumes, mais je tiens à souligner pour vous l’essentiel. L’essentiel est la haute leçon de morale que cette histoire comporte et nous donne.
« L’existence même du lycée polonais, dès novembre 1940, était un acte de résistance, même si le mot n’existait pas encore et cette résistance s’exerçait contre l’occupant et pour la liberté de tous. La suite, tout le monde connaît… Le professeur Zaleski arrêté à Grenoble en 1943 et déporté à Buchenwald. Le professeur Godlewski arrêté à La Tronche en 1944 et déporté à Mathausen. Vingt-quatre professeurs, employés et élèves morts dans le Vercors et sur les champs de bataille de Normandie et d’ailleurs. Leurs noms figurent tant au cimetière que sur le monument aux Morts ou sur la 7e station du chemin de Croix de Valchevrière.
« L’intention profonde de la puissance occupante était de rayer de la carte de l’Europe et la culture et l’intelligentsia polonaise. Notre lycée, à Villard-de-Lans, a été un conservatoire de cette culture et le milieu où ont pu se former les futures élites de la Pologne. Aujourd’hui devant cette assemblée d’ingénieurs, de docteurs, de techniciens supérieurs, venus de France, de Pologne, d’Angleterre, disséminés en Amérique, en Australie, je puis affirmer que le but que s’étaient fixé les fondateurs du lycée a été pleinement atteint.
« J’ai cherché une conclusion à cette évocation du passé, je n’en ai pas trouvé pour la bonne raison qu’il n’y en a pas. Ce calme bloc appartient à notre histoire commune, il en est un de ces moments significatifs comme parfois, dans une chaîne, il est un anneau plus fort, plus dur, plus résistant que les autres. Je ne voudrais formuler qu’un vœu : que tout notre effort, à nous, Français, Polonais de Villard-de-Lans, soit de perpétuer cette histoire à travers nos générations dans l’amitié, l’amour et la liberté. »
À la 7e station dite des Polonais
Georges Nowak, président de notre association, prend la parole…
Il partage l'histoire du chemin de Croix de Valchevrière comme rapporté par Jacques Douillet, curé de Villard-de-Lans dans l’Écho Paroissial d’octobre 1944 et mai 1945.
« C’est le vendredi 16 juin 1944, fête du Sacré-Cœur, que notre paroisse a été pour la première fois gravement menacée. Dès la veille, on s’attendait à l’arrivée des Allemands que plus rien ne retenait depuis Saint-Nizier. Ils préparaient leur progression. Le vendredi dès 7 heures, un avion volant très bas et mitraillant passait au-dessus du bourg. Vers 10 heures, nos premiers hameaux étaient occupés. De toutes parts, les troupes avançaient en tirant des rafales de mitrailleuses. À 11 heures, ils enveloppaient le bourg et à midi celui-ci était complètement occupé. C’est alors qu’au presbytère le vœu a été fait d’un pèlerinage annuel à Valchevrière et de l’érection d’un chemin de Croix. Ce vœu fut confirmé le dimanche suivant, à l’église, par l’adhésion de tous les fidèles.
« Nous avions promis, nous avons tenu. Chaque année désormais, le 8 septembre, nous irons en chemin de Croix à Valchevrière, faisant revivre en nous le souvenir des peines de nos morts, offrant nos propres souffrances, priant pour que ceux qui survivent ne laissent pas perdre le sacrifice de nos héros. D’énormes difficultés semblaient s’opposer cette année à ce pèlerinage. Le chemin du Villard à Valchevrière était encore farci de mines. L’armée décida de les enlever et, ce 17 septembre 1944, tout était libre. Mais ce jour-là, une pluie dense tombait sans arrêt. Comme à la guerre on se bat partout les temps, nous sommes partis quand même. On a compté plus de 500 personnes. À l’emplacement des futures stations, quelques mots de Monsieur le Curé, transmis par haut-parleur, permettaient de suivre à la fois le Calvaire de Jésus et celui de nos martyrs. Une énorme croix fut portée tout au long de la route sur les épaules des hommes. Entre les dernières stations, ce furent les Chasseurs eux-mêmes qui s’en chargèrent. On s’arrêta en particulier au point où tombèrent les défenseurs de Valchevrière. Et devant la petite chapelle, restée seul intact au milieu des ruines et dans laquelle, le 14 juillet, plusieurs de nos jeunes ont assisté à leur dernière messe, la foule tout entière et d’une seule voix à chanté l’hymne national.
…
« Les travaux ont commencé. Depuis le pont de l’Essarton, jusqu’à la chapelle de Valchevrière, tous les 500 mètres environ, un petit oratoire en maçonnerie abritera, dans une niche, un tableau représentant l’une des quatorze stations traditionnelles. Pour que ce tableau résiste au gel, et soit aussi indestructible que la maçonnerie elle-même, il sera peint en émail sur une plaque de lave. Et sur l’une des pierres de l’édifice, quelques noms de nos martyrs seront gravés, selon la station que leur famille aura choisie. L’emplacement de ces stations a été minutieusement choisi, dans les sites les plus pittoresques de ce beau parcours. Les stations seront toutes différentes les unes des autres, comme architecture : elles seront adaptées aux paysages. Et comme nous nous sommes adressés aux meilleurs artistes, ce sera non seulement un souvenir pour nous, mais une œuvre d’art qui attirera un nombre considérable de personnes étrangères au pays, et qui seront appelées ainsi à partager avec nous le souvenir. »
Georges Nowak…
Ainsi naquit la « station des Polonais » devant laquelle nous nous recueillons. Elle fut conçue par les étudiants de l’Université Catholique de Lille où Wacław Godlewski, cofondateur du lycée polonais, avait retrouvé son poste de lecteur de polonais. Elle rappelle la forme des chapelles de la région de Zakopane. Zakopane, aux pieds des Tétras, station de moyenne montagne sportive et touristique très similaire à Villard-de-Lans, et comme Villard fortement engagée dans la Résistance.
Nous lisons sur la première face du monument : Pour la liberté, la justice, la dignité de l’homme, pour la France et la Pologne, sont morts aux champs d’honneur, ont souffert dans les prisons et les camps de concentration les professeurs, les élèves, les employés du lycée polonais Cyprian Norwid.
Sur les trois autres faces, sont gravés leurs noms.
Inauguration de l'exposition
Robert Drzazga, consul général de la République de Pologne à Lyon, prend la parole…
C’est un honneur et un privilège d’être ici aujourd’hui pour l’inauguration de cette exposition qui nous plonge dans un chapitre poignant de notre histoire commune : Parcours de femmes — Le lycée polonais à Lans-en-Vercors.
La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille. L’insouciance des jeunes années passées à l’école a laissé place à une dure réalité. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il y a déjà 80 ans, des femmes et des jeunes filles ont su relever les défis de leur époque.
L’abnégation et le courage dont elles ont fait preuve les honorent et nous honorent également. Le lycée polonais à Lans-en-Vercors fut un brillant exemple de Résistance, tant active que passive, contre un nazisme qui a meurtri toute l’Europe. Malgré les nombreuses difficultés de la vie quotidienne, marquée par le manque de produits alimentaires et de biens de première nécessité, les femmes de cette époque ont fait preuve d’audace et d’ingéniosité. Cette exposition, qui retrace leur parcours, leur rend hommage à juste titre.
Lorsque l’on évoque la Seconde Guerre mondiale, il est très souvent fait référence aux événements militaires, au débarquement et à l’action de la Résistance. Mais il était temps d’honorer également les femmes qui, dans l’ombre de ces événements, ont permis de préserver la dignité humaine durant cette sombre période.
L’éducation, la morale, le patriotisme et les valeurs transmises par les enseignantes et les employées ont adouci, en partie, la dureté de l’existence. Dans la tempête mondiale qui secouait l’humanité, la France et la Pologne, ensemble, ont montré l’exemple.
Je suis très fier et honoré, aujourd’hui, de contribuer à sauvegarder cette mémoire. Je tiens à remercier chaleureusement tous ceux et celles qui ont contribué à la réalisation de cette exposition. Les résistants de 1944 nous montrent la voie à suivre, aujourd’hui et pour demain. Leur courage et leur détermination restent une source d’inspiration éternelle.
Un été 44
Je m’appelle Jacques Douillet. Je suis né en 1893. Je me destine tôt à la prêtrise et suis au séminaire de Meylan quand la guerre de 14-18 arrive. J’y combats et obtiens la croix de guerre et trois citations. Je rejoins le séminaire de Meylan, puis celui d’Issy-les-Moulineaux. Je suis ordonné prêtre en 1922. Je deviens d’abord vicaire de la cathédrale Saint-Maurice, à Vienne, puis directeur de l’institution Robin, toujours à Vienne, puis directeur au collège de Juilly, en Seine-et-Marne. Le Dauphiné me manque et je suis ravi de devenir le curé de Villard en 1942. Cet été 44, je viens d’être décoré de la Légion d’honneur pour mes actions à la tête de ma compagnie au début de la guerre, je suis capitaine de réserve et j’ai 51 ans.
Je m’appelle Édouard Renn. Je suis né à Lyon. Mes parents sont venus en France sous contrat au début des années 1920. J’ai suivi ma scolarité sans problème au lycée du Parc jusqu’en 1940. Là, les autres élèves ont commencé à me traiter de « sale Polonais. À cause de toi, mon père est parti à la guerre ». En 1941, le scoutisme m’amène à côtoyer le réseau polonais de résistance POWN Monika : je deviens agent de liaison. En 1942, j’intègre le lycée polonais de Villard. Cet été 44, j’ai dix-huit ans.
Je m’appelle Stefania Cegielska. Je suis née à Zarzewie Kuchary, en Pologne. J’ai trois ans quand ma famille émigre en France. Mon père travaille à la mine, d’abord en Loire-Atlantique puis à Saint-Étienne. Je suis ma scolarité dans une école française et j’apprends le polonais le jour sans classe, le jeudi. J’obtiens le certificat d’études en 1943 et, avec trois autres élèves, je m’engage dans un groupe de résistants dirigé par mon professeur de polonais. Tous les quatre nous rejoignons le lycée de Villard à la rentrée 1943. Cet été 44, j’ai dix-huit ans.
Je m'appelle Witold Gilowski. Je suis né à Grodno, en Pologne. Mon père est militaire. Ma mère est fille de prince, diplômée des universités de Varsovie et de Liège. Nous vivons en Belgique quand la guerre est déclarée. Avec ma mère, nous nous réfugions en France. Elle est embauchée dans les internats du lycée polonais à Lans comme professeure d'histoire, géographie et instruction civique. C'est ainsi que j'intègre le lycée polonais de VIllard. Cet été 44, j’ai quatorze ans.
Je m’appelle Janina Lamenta. Je suis née à Kamieniec Wielkopolski, en Pologne. Ma famille émigre en 1930 dans le nord de la France où mon père est mineur. En 1935, la crise économique sévit et nous retournons en Pologne. La situation n’y est guère meilleure et nous retournons en France en 1937, cette fois dans le Massif central. Je suis bonne élève et mon professeur de polonais m’encourage à rejoindre le lycée de Villard, ce que je fais en 1943. Cet été 44, j’ai dix-huit ans.
Je m’appelle Wanda Delingier. Je suis née à Pont-à-Mousson, en Meurthe-et-Moselle. Après la guerre de 14-18, mes grands-parents émigrent en France et ouvrent un restaurant dans cette ville. Ils font venir ma mère. Mon père a émigré en Allemagne en 1910, puis en France en 1920. Il travaille pour un bureau de voyage qui amène en France des travailleurs polonais pour les mines et aciéries, puis dans une banque polonaise. Je vais en classe à Strasbourg puis à Metz. C’est là que la guerre nous surprend. Nous vivons le jour inoubliable de l’entrée des Allemands triomphants dans ma ville. Ce fut un choc terrible. Toute la famille s’est engagée dans la Résistance dans le réseau polonais POWN et dans les FFI. Wladislas, Joseph et Stanislaw ont été arrêtés et déportés, Marie, Jadwiga, Andzia ont été épargnées. J’intègre le lycée polonais en 1943. Cet été 44, j’ai 17 ans.
Je m’appelle Marian Liber. Je suis né à Bugaj, en Pologne. Mes parents émigrent en Moselle alors que je n’ai que deux ans. En 1939, au début de la guerre, ma famille se réfugie à Saint-Étienne. Je rallie le POWN et le réseau Monica dont le chef local est un enseignant de polonais. En 1942, j’intègre le Lycée polonais pour y finir ma scolarité. Cet été 44, j’ai dix-neuf ans.
Je m’appelle Kazimierz Siebeneichen. Je suis né à Varsovie, en Pologne. Mon père travaille pour l’office du Commerce de la République de Pologne puis dirige l’Institut comptable. Quand la guerre est déclarée, il reçoit l’ordre de partir en France et de participer à la sauvegarde et a la gestion des fonds polonais. Leur fuite les emmène en Serbie puis vers Angers, où le Gouvernement polonais en exil s’est installé. Les Allemands envahissent la France, le Gouvernement en exil part à Londres et ma famille à Lourdes, puis Grenoble. Mon père participe aux travaux d’ouverture du lycée à Villard. En octobre 1940, je suis trop jeune pour intégrer le lycée, alors je vais l’école communale de Villard. À la rentrée suivante, j’entre enfin au lycée. En avril 1944, mon père est arrêté et déporté à Matahausen. Cet été 44, j’ai 17 ans.
Le chanoine Douillet
Nos paroisses viennent de vivre, pendant ces derniers mois, la période la plus tragique qu’elles aient connue depuis leur fondation. Car il ne semble pas que la Révolution française, les guerres de Religion ou celle du Moyen-Âge les aient bouleversées aussi profondément que cette guerre de notre Libération…
La troupe Krakowiak
L’Association culturelle franco-polonaise Krakowiak a pour but de « promouvoir la culture traditionnelle polonaise par ses danses et ses chants folkloriques, avec la vivacité de ses danseurs, avec la lumière et la couleur de ses costumes. Krakowiak vous invite pour un voyage inoubliable dans une Pologne si chère à nos cœurs. »
Ce 15 septembre, mission réussie !