6.1.1 « La résistance militaire s’organisa de très bonne heure. »
—Wacław Godlewski, directeur. Archives nationales, 72 AJ 73, Résistance polonaise en France. Témoignage recueilli par E. Perroy le 28 février 1947.
Zaleski avait le titre de directeur général du Centre, aussi bien du lycée que des étudiants. Godlewski en était le directeur général adjoint, tout en cumulant la fonction de lecteur de polonais à la faculté des Lettres et de membre du comité de patronage des étudiants polonais à Grenoble.
Godlewski trouva des concours très précieux. D’abord celui de Sarrailh, alors recteur de Grenoble (très vite dégommé par la vindicte de Jacques Chevalier) et de René Gosse, doyen de la faculté des Sciences (lui aussi dégommé, plus tard assassiné par la milice). La plupart des professeurs de la faculté des Lettres furent d’une aide aussi dévouée que courageuse, notamment : Durafour (à partir de 1941) ; La Fourcade (dès le début ; mort depuis) ; Ambroise Jobert (alors professeur du lycée, mais qui ayant fait une thèse sur la Pologne au XVIIIe siècle montra une sympathie agissante : il cacha chez lui de nombreux documents, hébergea la caisse de la résistance polonaise et accomplit un gros travail avec un calme remarquable, bien qu’il soit chargé d’une nombreuse famille). Plus tard, Godlewski fut aussi aidé par Havel, ancien lecteur de français à Cracovie, puis lecteur de Polonais à Grenoble, ancien officier de réserve marié à une Polonaise.
La résistance militaire s’organisa de très bonne heure. Godlewski avait des contacts très nombreux avec les réfugiés polonais en France, répartis par le gouvernement de Vichy dans une série de centres d’hébergement, tandis que beaucoup d’hommes étaient envoyés dans des camps de travailleurs où les conditions de vie étaient très défectueuses. On arriva à tirer des camps tous les intellectuels ; ils furent répartis dans les centres. Petit à petit s’organisa dans le cadre du Centre un système d’évasion des jeunes Polonais vers l’Angleterre, d’abord vers l’Algérie par voie de mer, ensuite par la frontière espagnole. Les premiers départs eurent lieu sur initiatives particulières. Le réseau commença à fonctionner dans le courant de l’année 1941.
Le lycée polonais de Villard-de-Lans. Mixte, il recueillit dans ses grandes classes les débris des jeunes de l’armée polonaise. Il était organisé de façon tout à fait officielle grâce à l’appui de Jacques Chevalier, ministre de l’Éducation nationale du gouvernement Pétain, mais qui, ayant des relations personnelles avec Zaleski, donna toutes facilités. Une circulaire aux recteurs leur indiqua que le Lycée polonais devait être assimilé à un lycée français et placé sous le contrôle de l’académie de Grenoble. Godlewski avait donc des rapports fréquents avec l’inspecteur d’académie Jacques Langlade, lui aussi polonisant et qui se montra très serviable. C’était pourtant un Vichyssois opportuniste ; malgré tout, il se montra serviable et à certains moments assez courageux.
Le centre d’étudiants de Grenoble. Il s’organisa au cours de l’année scolaire 1940-1941 et comprit jusqu’à deux cent seize étudiants inscrits. La plupart étaient d’anciens militaires, des officiers camouflés, auxquels s’agrégèrent peu à peu quelques Juifs de nationalités diverses qu’on fit passer pour des Polonais aryens. L’organisation prit de l’ampleur quand on découvrit les premiers actes terroristes des Allemands en Pologne où eut lieu une extermination systématique des milieux intellectuels. Il s’agissait alors de préparer des « élites » de rechange pour l’avenir. Les autorités universitaires décidèrent de dispenser les étudiants polonais de tous leurs droits d’inscription et la Croix-Rouge polonaise prit en charge leurs droits de travaux pratiques.
Le Centre devint une organisation militaire pour la zone sud. Grenoble en était le siège en raison du grand nombre de Polonais qui y résidaient. Son chef, le général K. (nom oublié) vint plusieurs fois en visite d’inspection à Villard-de-Lans. Son adjoint était le colonel Jaclicz, très brillant officier, ancien chef d’un état-major polonais et élève de l’école de Gierre, parlant admirablement le français. À signaler aussi l’activité de l’Abbé Jakubisiak (mort en 1945), un philosophe qui tenait la caisse du service d’évasion.