—Depuis 1924, Zygmunt Lubicz-Zaleski est le représentant en France du ministre des Cultes et de l’Instruction publique de Pologne.
Il connaît donc bien les arcanes de la vie politique française et les hommes au pouvoir. Le gouvernement de Pétain continue de s’appuyer sur nombre de ceux qui étaient là avant l’armistice. Lubicz-Zaleski va à leur rencontre et obtient un soutien discret, mais bien réel, indispensable.
- Zygmunt Lubicz-Zaleski, directeur — Mémoires 1939-1945. De Grotowice à Buchenwald (2002), d’après Pamietnik 1939-1945. Od Grotowic do Buchenwaldu, 1998.
Je suis à Vichy depuis hier (le 18 septembre 1940). Je me suis rendu directement au ministère de l’Éducation nationale où une surprise désagréable m’attendait. Châtelet a été démis de ses onctions de directeur de l’enseignement du second degré. Le recteur Terrachet le remplace. Le changement par lui-même n’a pas d’incidence. Ce sont deux hommes de grande valeur. Si ce n’est que Terrachet ne doit arriver que dans huit jours ! J’explique l’affaire à Monsieur Bruhat qui est inspecteur général. Il me fait bonne impression, mais comment l’affaire sera-t-elle réglée ? Je n’arrive pas à avoir accès à J. Chevalier, mais Bruhat me promet de régler au mieux la question du lycée polonais comme celle de la possibilité pour nos jeunes d’intégrer les lycées français. Nous échangeons quelques réflexions sur la défaite et… l’espoir. Nous parlons plutôt par sous-entendus, mais nous nous comprenons parfaitement. Rosset, le directeur des études supérieures n’use pas de sous-entendus quant à lui, mais s’exprime avec force et sans détour sur la situation… « La guerre n’est pas finie ! » s’écrie-t-il avec une hargne retenue. Rosset nous est indéniablement dévoué et réellement favorable à ce que les jeunes Polonais puissent s’inscrire dans les lycées français. Il n’est évidemment pas certain de la décision des cercles plus élevés (à cause des pressions étrangères).
Ma visite du jour au directeur général de l’enseignement technique, Monsieur Luc, a été vraiment émouvante. Nous avons longuement parlé de beaucoup de choses. Pour ce qui est de permettre à notre jeunesse d’intégrer les lycées français, Luc est catégorique : « Oui, évidemment, oui. » Il propose certes de régler la question officiellement : le ministre de l’Éducation, le ministre des Affaires étrangères, le gouvernement, une décision officielle… Lorsque je lui explique que dans les circonstances actuelles cette procédure peut amener un refus, il en tombe aussitôt d’accord et prend sur lui l’entière responsabilité dans le cadre de ses compétences. Nous avons donc le droit se faire référence à sa personne dans les discussions avec les directeurs des écoles.
Le lycée de Villard s’occupait également des jeunes Polonais en université, bien sûr. L’attitude du ministère de l’Éducation nationale était très amicale : Jacques Chevalier d’une part, Luc puis Terrachet ensuite, tous d’ailleurs. Je regrette de ne pas avoir retenu le nom du directeur du Département des écoles primaires grâce auquel j’ai pu régler l’importante question de la réouverture des classes de polonais dans le primaire du nord de la France ; elles avaient été fermées par le très zélé inspecteur Schmidt. Cet homme dont le nom m’échappe fut ensuite le directeur du Département des écoles secondaires et, là encore, il proposa son aide à Villard-de-Lans. Je n’acceptai pas son aide matérielle, mais sa protection administrative nous fut précieuse.