4.2.1 « L’humour ne perdait ses droits. »
—Tadeusz Łepkowski, élève. Une école libre polonaise en France occupée (2012), d’après Wolna szkoła polska w okupowanej francji (1990).
La vie quotidienne était riche en événements, tristes ou joyeux. Je pense, pour les premiers, aux maladies et, pour les seconds, aux fêtes et aux anniversaires. La rudesse des conditions de vie (nourriture et chauffage insuffisants, séquelles de la guerre telles que blessures ou contusions) faisait que l’état de santé de nombreux élèves était dégradé. On s’efforçait de dédramatiser les fréquents refroidissements, de tenir bon et de se soigner avec du vin, mais il arrivait assez fréquemment qu’un élève malade se retrouve à l’infirmerie de l’hôtel du Parc : grippe, angine ou pneumonie y étaient soignées. Les élèves n’étaient pas non plus à l’abri du grand mal de l’époque : la tuberculose.
Mais, malgré tous les problèmes, l’humour ne perdait ses droits. Les fêtes improvisées dans les chambres réunissaient un grand nombre d’élèves, à la fortune du pot comme il se doit. Chacun apportait ce qu’il avait : des restes de friandises reçues dans des colis, des fruits et — pays de vignes oblige — du vin. Les surveillants fermaient les yeux, pourvu qu’il n’y ait pas trop de bruit et que l’on ne chante pas trop longtemps (l’extinction des feux était à dix heures du soir). Les membres de l’association des élèves, ainsi que les « vieux » de terminale, anciens soldats pour la plupart, aidaient les surveillants quotidiennement et en cas de besoin.
L’univers des élèves était indissolublement lié à celui des professeurs. Il y avait même entre eux de véritables relations de camaraderie, car, à de rares exceptions, le corps enseignant témoignait à cette jeunesse souvent difficile, turbulente, voire insolente, beaucoup de tolérance et de compréhension.
Les professeurs vouvoyaient les élèves, leur permettaient de fumer et de boire de l’alcool — pourvu que ce soit avec modération. Seuls les prêtres tutoyaient les élèves, qu’ils appelaient généralement par leur prénom. Une certaine retenue était observée dans les rapports entre les élèves et Zaleski, généralement placés sous le signe de l’admiration, tandis que Godlewski avait des relations plus familières avec nombre de lycéens de terminale : il n’était pas rare qu’ils se tutoient, ce qui n’ôtait rien au respect qu’inspirait « Wacek » aux élèves.