4.3.1 « La qualité des cours était élevée. »
—Tadeusz Łepkowski, élève. Une école libre polonaise en France occupée (2012), d’après Wolna szkoła polska w okupowanej francji (1990).
Les classes suivaient les programmes de l’enseignement secondaire public polonais de la fin des années 1930, avec toutefois quelques adaptations. Tous les élèves sans exception devaient suivre un enseignement renforcé (cinq heures par semaine en moyenne) de langue et littérature française, condition de la reconnaissance de l’équivalence du baccalauréat décerné à Villard avec le baccalauréat français. De même, les programmes d’histoire et de géographie mettaient naturellement davantage l’accent sur la France que ce n’était le cas en Pologne avant-guerre. En revanche, la différenciation des sections suivait bien le modèle polonais, et non français.
L’année scolaire était organisée, comme en Pologne, en deux semestres. Ce n’est qu’à partir de l’année 1941-1942 que fut adopté le rythme trimestriel français. La durée des cours était de 50 minutes, ce qui constituait également un compromis entre les 45 minutes polonaises et les 60 minutes françaises. La journée de classe s’achevait à 13 heures 30.
Parvenir à faire tout le programme était chose difficile, faute de matériel pédagogique et, surtout, de laboratoires ou de cabinets de travail pour certaines matières comme la physique, la chimie, l’astronomie, la biologie ou la géographie. De plus, un nombre non négligeable d’élèves ne savaient pas du tout le français, car ils avaient fait de l’allemand ou de l’anglais en Pologne. C’étaient finalement les programmes de polonais, de latin, d’histoire, d’instruction civique, de philosophie, de religion et de mathématiques qui, malgré le manque de livres et de manuels, posaient le moins de problèmes.
Les enseignants de polonais, d’histoire et de français aimaient faire composer leurs élèves sur des sujets « hors programme », à l’instar des dissertations demandées aux lycéens français, et portant sur des questions philosophiques, civiques, sociales ou de culture générale. Quelques exemples… Que m’apporte un séjour à l’étranger ? Qu’est-ce que la tradition nationale ? Lettre à un ami. Faites votre portrait physique et moral. Faites le portrait physique et moral d’un de vos professeurs…
En l’absence presque complète de manuels et de laboratoires, les enseignants durent s’inspirer du mode d’enseignement en vigueur à l’université, et les premiers élèves s’entraîner à l’art difficile de prendre des notes.
Les démarches furent entreprises en vue d’acquérir un appareil de reproduction. On commença à éditer des manuels ronéotés. Ils étaient tirés avec soin, en plusieurs dizaines d’exemplaires, et leur reliure cartonnée leur garantissait une durée de vie acceptable. Au 1er juin 1942, un total de 558 pages et de 877 exemplaires avaient été édités. Parmi ces polycopiés, on citera la Chimie non organique de Gerhardt, la Trigonométrie et géométrie analytique de Berger, L’éthique de Chechelski, la Grammaire latine de Harwas, Éthique et dogme de l’abbé Bozowski, Histoire de la Pologne (1914-1926), probablement due à la plume de Godlewski.
Les avis sont contrastés quant au niveau de l’enseignement et au suivi des programmes, et
il faut reconnaître que c’est une question sur laquelle il est particulièrement difficile d’être objectif. Reste que bon nombre d’anciens élèves ainsi que certains professeurs s’accordent sur le fait que la qualité des cours était, dans l’ensemble, élevée, voire très élevée en sciences (notamment en mathématiques, où les cours de Berger étaient même d’un niveau supérieur à celui des premières années d’université) de même qu’en littérature et en histoire. Les cours de langue, et d’anglais en particulier, étaient jugés médiocres. Étant donné l’importance cruciale que revêtait la maîtrise du français, on organisa les premières années des cours renforcés, avec trois groupes de niveau.
Les élèves n’arrêtaient pas de passer des examens : oraux, trimestriels, de rattrapage, sans compter, naturellement, le « petit bac » (pour le passage du gymnase au lycée) et le baccalauréat lui-même. Les enseignants passaient l’essentiel des heures de classe à faire cours et n’avaient guère le temps de faire des interrogations écrites. Les examens se passaient donc le plus souvent sous forme orale, en tête à tête avec l’enseignant, à un moment convenu avec lui. En outre, dès leur arrivée au lycée, les élèves ne pouvant présenter de certificats de scolarité devaient passer des tests. Il arrivait aussi, en cours de scolarité, que des élèves dont la note n’était pas à la hauteur de leurs ambitions demandent à repasser un examen pour améliorer celle-ci. Malgré les multiples difficultés d’organisation de l’enseignement, les résultats scolaires des élèves peuvent être considérés comme satisfaisants.