4.5.1 « Une grande popularité. »
—Józef Harazin, élève. Notre école, 2017, d’après un livret manuscrit, 1986.
qu’ensemble nous formions « quelque chose » qui nous avait empli le cœur et dont nous étions fiers. Il suffisait que quelques membres de la chorale se retrouvent ensemble, pour que retentissent des airs chantés à plusieurs voix, aussi bien et avec presque autant de dextérité que si elles étaient dirigées par le professeur Berger.
Notre chef insistait beaucoup sur une répétition minutieuse de chaque détail. Il arrivait cependant qu’à l’occasion de certains concerts, sous l’influence d’une atmosphère particulière, le professeur Berger nous dirige avec son énergique baguette d’une façon totalement différente en s’aidant de mimiques adéquates et d’un regard vigilant de derrière ses lunettes. Nous en étions les premiers surpris, mais le tonnerre d’applaudissements qui suivait les dernières notes nous prouvait qu’il savait parfaitement ressentir comment à tel moment il fallait chanter, et la chorale, unie et disciplinée, l’avait suivi.
Tout le monde écoutait nos chants avec plaisir. La chorale jouissait d’une grande popularité non seulement dans l’enceinte du lycée, mais aussi parmi nos compatriotes séjournant dans la région ainsi que chez nos hôtes et amis français. La preuve en était les chaleureux bravos qui suivaient chacune de nos chansons, que nous étions d’ailleurs souvent obligés de bisser.
Les concerts de la chorale avaient trois principales caractéristiques : la première, scolaire, concernait notre participation à toutes les festivités organisées pour le lycée ; la seconde, religieuse, quand chaque dimanche nous participions à la grand-messe à l’église de la paroisse ; la troisième, culturelle, quand les concerts étaient donnés à nos compatriotes et aux Français dans la région et parfois plus loin.
Aux manifestations scolaires, organisées plutôt pour nos professeurs et pour les élèves, les Français, surtout les jeunes, s’invitaient souvent.
Nos prestations à l’église donnèrent à la chorale sa plus grande renommée, attirant comme un aimant une foule de fidèles ou de simples auditeurs tels que l’église ne pouvait tous les contenir. Il ne venait pas seulement des habitants de Villard, mais aussi des partisans et des fugitifs qui se cachaient dans les montagnes du Vercors. Notre répertoire se composait de nombreux chants en polonais ou en latin, accompagnés d’airs de célèbres compositeurs comme Gounod dont le professeur Berger avait recréé et harmonisé les musiques de mémoire.
Les représentations publiques n’avaient pas seulement lieu à l’hôtel du Parc ou dans la salle de cinéma de Villard. Nous rendions visite aux Polonais dans divers centres d’hébergement polonais de Grenoble, de la région et d’ailleurs : Allevard-les-Bains, Manosque, Gréoux-les-Bains…
Les Français récompensaient par des bravos et des applaudissements qui n’en finissaient pas nos interprétations de chansons polonaises ainsi que les quelques chansons françaises que nous avions dans notre répertoire. Ils étaient particulièrement ravis par l’interprétation de leur hymne national. Combien de fois ne sont-ils pas venus vers nous avec des éloges enthousiastes : Nous n’avons jamais écouté d’aussi belle Marseillaise, c’était tout simplement extraordinaire.