—Tadeusz Wojciechowski, élève. Notre école, 2017, d’après Nasza Szkola, 1998.
À Coëtquidan, j’ai été affecté au 3e Bataillon de la 1ere Division des Grenadiers de l’Armée polonaise qui se reformait alors. Des manœuvres intensives eurent lieu. Quand les Allemands attaquèrent la Belgique, les Pays-Bas et entrèrent en France, nos deux divisions polonaises furent envoyées en Alsace et en Lorraine.
Le 16 avril 1940, la 1ere Division des Grenadiers fut transférée sur la ligne de front en Lorraine, au sud-est de Nancy. Le 16 mai 1940, mon 3e Bataillon fut déplacé vers Lunéville. Le 6 juin, en bon ordre, nous avons entamé une marche pour occuper nos positions. En trois nuits, nous avons couvert cent kilomètres. Nous traversions fréquemment des localités abandonnées par leurs habitants qui fuyaient devant les Allemands. Notre mission était de défendre la ligne Altviller-Domfessel. Le front sur la Marne fut rompu et l’arrière de l’armée française se trouva menacé. Nous avons reçu l’ordre de nous retirer sur la ligne du canal Marne-Rhin et de passer à l’attaque. Un combat assez long et violent eut alors lieu. L’ennemi approcha du canal qu’il tenta de traverser. Le terrain lui était favorable, mais les tirs polonais le contraignirent à reculer. Dans la région de Lagarde eut lieu l’une des batailles les plus sanglantes, avec une grande concentration de mitrailleuses et d’unités blindées. Il y eut également des combats près de Montigny et La Trouche, mais l’encerclement de l’armée française rendit la poursuite du combat inutile. Les pertes de notre division s’élevèrent à quelque 900 morts, 2 800 blessés et 1 500 disparus.
Les survivants passèrent en Suisse, en Espagne, beaucoup en Angleterre, mais le plus grand nombre fut fait prisonnier par les Allemands à Saint-Dié, le 22 juin 1940. Les soldats allemands armés de fusils mitrailleurs nous convoyaient en une colonne sans fin, militaires désarmés dont une majorité de Français, de Saint-Dié à Strasbourg. Notre marche dura plusieurs jours pendant lesquels les Allemands nous laissèrent sans nourriture. La population française nous soutenait un peu en laissant de quoi manger et des seaux d’eau en bord de route. Les soldats allemands les renversaient ou tiraient dedans pour les trouer. Ensuite, on nous a entassés dans les casernes de Strasbourg, puis au stalag 7A proche de Magdebourg. Sous-alimenté, je suis tombé malade et je n’aurais pas survécu longtemps dans ces conditions, mais par chance j’avais donné une adresse niçoise comme étant celle de mon domicile. Aussi, par décision d’une commission médicale franco-allemande, j’ai été renvoyé dans le sud de la France, en zone libre, fin juin 1941, après un an de détention.