2.1.1 « La guerre commença le 1er septembre 1939, j’avais dix-neuf ans. »
—Tadeusz Wojciechowski, élève. Notre école, 2017, d’après Nasza Szkola, 1998.
La guerre commença le 1er septembre 1939, j’avais dix-neuf ans, je venais de terminer l’école professionnelle Stanisław Konarski de Varsovie et je travaillais aux ateliers de réparation de la Colonne indépendante des automobiles de l’Inspectorat général de Forces armées, 2 rue Rakowiecka à Varsovie. Comme j’appartenais à une institution militaire, je pouvais demander à être mobilisé avec les autres travailleurs, à porter armes et uniforme et à être rattaché au 3e Bataillon de Blindés. Je parvins à rejoindre Służewiec, assez éloigné, à faire mes adieux à mon père et à ceux de mes frères et sœurs présents à la maison — ma mère était décédée. Ensuite, avec tout mon équipement, je partis avec mes camarades sur trois remorques tirées par un tracteur ; elles étaient pleines de pneus, de pièces détachées et de matériel indispensable.
Nous avons passé la première nuit à la caserne de Modlin. Nous étions très effrayés, très tendus. Les avions allemands mitraillaient en piqué et lâchaient des bombes l’une après l’autre sur leur objectif qui n’était autre que le fort où nous nous trouvions.
Ensuite, tandis que nous traversions la ville de Siedlce en colonne, les avions allemands nous ont attaqués, bombardant les véhicules et mitraillant les hommes qui tentaient de se protéger en fuyant. Pétrifié, je restai allongé dans l’herbe, vêtu de mon uniforme. Terrifiée, une jeune femme inconnue se serra tout contre moi, sans même s’en rendre compte.
À un autre moment, un autre bombardement. Pour me protéger des éclats, je m’étais jeté à plat sur du sable blanc, inconscient de la visibilité de mon uniforme vert. Un camarade qui se trouvait à proximité, mais dans l’herbe, était persuadé que j’étais mort tant la « grêle » dirigée vers moi était intense. Heureusement, les tirs me manquèrent.
À Kowle, des arbres barraient les deux côtés de la route. Quand les avions allemands arrivèrent, le conducteur du tracteur voulut se glisser sous les frondaisons. À ce moment-là, une grosse branche fit tomber l’un de mes camarades de la remorque. Il y eut un craquement sourd, sa tête venait d’être écrasée sous les roues de la remorque qui suivait.
« En Volhynie et en Podolie, le terrain est vallonné, notre tracteur n’arrivait pas à grimper avec sa triple charge, nous étions obligés de pousser dans les montées puis, une fois en haut, de remonter en marche. L’un de nos camarades, fatigué, somnolent, voulut sauter sur la haute remorque, mais comme il avait trop chaud, son manteau était ouvert et l’un des pans s’enroula autour de l’essieu… notre compagnon passa sous les roues. Nous n’étions plus très loin de la frontière roumaine qu’il nous fallait rejoindre rapidement. Aussi avons-nous dû abandonner notre ami dans un fossé en bordure de route, non sans avoir glissé dans l’une de ses poches une feuille avec ses nom et prénom.
Nous avons traversé la frontière polono-roumaine à Kuty. En Roumanie, nos armes nous ont été retirées et nous avons été internés, d’abord à Turnu Severin, puis à Vacaresti dans une longue grange avec deux étages de couchettes fixées au mur sur toute la longueur. Nous y dormions les uns à côté des autres sous des couvertures. Ce local était provisoire. Dans la journée, nous travaillions pour une maigre rémunération à la construction de baraquements pour les internés.
Dans la seconde moitié de novembre 1939, une fois l’argent nécessaire économisé, un camarade et moi avons teint nos uniformes pour nous enfuir la nuit vers la ville, distante de douze kilomètres. Là, nous avons acheté des manteaux civils pour éviter de nous faire reprendre, car les militaires étaient interdits de déplacements. Après de nombreuses péripéties et un long voyage en train, nous avons fini par rejoindre l’ambassade de Pologne à Bucarest. Tout jeune Polonais qui souhaitait reprendre du service dans l’armée polonaise y recevait une tenue civile, une veste chaude et une petite somme d’agent. Après quelques jours dans la capitale roumaine, notre convoi de plusieurs centaines de Polonais quitta le pays de façon presque légale.
Nous avons d’abord remonté le Danube en péniche, puis pris le train pour traverser la Yougoslavie jusqu’à la ville portuaire de Split. Un bateau grec nous y a embarqués pour Marseille, ensuite nous avons traversé toute la France en train pour arriver mi-décembre 1939 au camp militaire polonais de Coëtquidan en Bretagne.