Le lycée a donné à ses élèves — au-delà de leurs différences — une conscience civique et patriotique ouverte, et dans laquelle l’amour de la patrie allait de pair avec une compréhension des autres peuples, et en particulier du peuple français qui avait accueilli les émigrés autrefois et les réfugiés plus récemment.
Les Villardiens ont-ils poursuivi leurs études et, si oui, dans quelle branche ? Quels métiers ont-ils exercés par la suite, et dans quels secteurs ? Une lettre adressée par Lech Zarzycki à Marcel Malbos au printemps 1955 constitue une ardente apologie de la nouvelle réalité polonaise : « Je suis très content du régime de la démocratie populaire que je trouve bien plus moral et plus juste que la république parlementaire capitaliste. Chez nous, il n’y a pas de misère, pas de prostitution, de chômage, tout le monde travaille. » On y apprend la réussite professionnelle des Villardiens, enseignants comme élèves. Władysław Wicha est, de tous les anciens élèves, celui qui a atteint la position la plus élevée, puisqu’il est ministre de l’Intérieur en Pologne ; six autres anciens Villardiens enseignent dans le secondaire ; Ernest Berger dirige une maison de la culture (« et un chœur, bien entendu ») ; trois anciens élèves sont ingénieurs ; Ewa Valentin est directrice d’un port fluvial et Jadwiga Siebeneichen économiste ; plusieurs autres anciens élèves ont embrassé une carrière littéraire ou artistique ; et Małgorzata Berger est membre d’un conseil populaire de voïvodie.
Si l’on veut cependant adopter un point de vue plus objectif que celui de Zarzycki, largement inspiré par l’esprit propagandiste, force est de constater que les anciens de « Norwid », bacheliers ou non, ont exercé les professions les plus diverses…
Relativement peu nombreux sont ceux qui eurent, en Pologne, une activité politique ou publique. Une vingtaine furent membres du Parti, mais rompirent par la suite avec lui. La plupart des anciens Villardiens étaient plutôt défavorables au régime, et certains furent même persécutés par lui. En 1950, Józef Węgrzyn (voir son histoire en 6.2.4 – NDA) fut emprisonné pour espionnage au profit de l’Espagne franquiste ; réhabilité après 1956, il quitta la Pologne pour s’installer en France. Il y eut un certain nombre d’anciens du lycée Cyprian Norwid dans les rangs de Solidarité et parmi les militants du syndicat (dont Lepkowski lui-même, qui y eut de hautes responsabilités – NDA).
En France, très rares furent ceux qui adhérèrent à des organisations politiques polonaises liées au gouvernement dit « de Londres ». Il convient cependant de réserver une mention particulière à Zaleski, qui entretenait avec les autorités dudit gouvernement des relations étroites et qui, en tant qu’éminente personnalité des lettres et de la culture polonaise, jouissait d’une immense autorité morale et intellectuelle. Godlewski, qui enseignait à l’université de Lille et enseigna beaucoup aux Polonais de France et aux amis français de la Pologne, acquit également une position scientifique et morale élevée.
Lorsque l’on évoque des Villardiens ayant particulièrement réussi, les noms qui viennent à l’esprit en premier lieu sont ceux d’une quinzaine d’universitaires et de chercheurs, parmi lesquels d’anciens enseignants du lycée. Parmi les anciens élèves, les historiens forment le groupe le plus nombreux. L’université et la recherche ne sont cependant pas le seul domaine où des Villardiens se distinguèrent : il y eut, en France, de grands avocats comme Bolesław Szpiega, ou de grands ingénieurs comme Aleksander Metelski, l’un des concepteurs de Concorde ; en Pologne, l’éminent traducteur et critique littéraire Jerzy Lisowski, ou l’ingénieur des ponts et chaussées Kazimierz Dębski.
On pourrait allonger la liste, au risque que celle-ci soit entachée de subjectivité. Aussi conclurons-nous sur cette simple constatation : la très grande majorité des Villardiens furent, leur vie durant, de bons et honnêtes travailleurs, qu’ils aient occupé des emplois subalternes ou supérieurs. Peu d’entre eux tournèrent mal ou sombrèrent dans l’alcoolisme, tandis que relativement nombreux furent ceux qui accédèrent à une position sociale leur permettant de vivre dans l’aisance — est-il besoin de préciser qu’il s’agit, pour la plupart, de Villardiens établis en Occident ?