5.4.1 « Sa protection administrative nous fut précieuse. »
—Zygmunt Lubicz-Zaleski, directeur. Mémoires 1939-1945. De Grotowice à Buchenwald, 2002, d’après Pamietnik 1939-1945. Od Grotowic do Buchenwaldu, 1998.
19 septembre 1940. Je suis à Vichy depuis hier matin. Je me suis rendu directement au ministère de l’Éducation où une surprise désagréable m’attendait. Châtelet a été démis de ses fonctions de directeur de l’enseignement du second degré. Le recteur Terrachet le remplace. Le changement par lui-même n’aura pas d’incidence. Ce sont deux hommes de grande valeur. Si ce n’est que Terrachet ne doit arriver que dans huit jours ! J’explique l’affaire du lycée polonais à monsieur Bruhat qui est inspecteur général. Il me fait bonne impression. Je n’arrive pas à avoir accès au secrétaire général, Jacques Chevalier, mais Bruhat me promet de régler au mieux la question du lycée polonais comme celle de la possibilité pour nos jeunes d’intégrer les lycées français. Nous échangeons quelques réflexions sur la défaite et… l’espoir. Nous parlons plutôt par sous-entendus, mais nous nous comprenons parfaitement. Rosset, le directeur des écoles supérieures n’use pas de sous-entendus quant à lui. « La guerre n’est pas finie ! », s’écrit-il avec une hargne retenue. Rosset nous est indéniablement dévoué et réellement favorable à ce que les jeunes Polonais puissent s’inscrire dans les lycées français. Il n’est évidemment pas certain de la décision des cercles plus élevés (à cause des pressions étrangères).
Ma visite au directeur général de l’enseignement technique est vraiment émouvante. Nous nous sommes serré la main à l’arrivée et embrassé au départ… Pour ce qui est de permettre à notre jeunesse d’intégrer les lycées français, Luc est catégorique : « Oui, évidemment oui. » Il propose de régler la question officiellement : le ministre de l’Éducation, le ministre des Affaires étrangères, le gouvernement, une décision officielle… Lorsque je lui explique que dans les circonstances actuelles cette procédure peut amener un refus, il en tombe aussitôt d’accord et prend sur lui l’entière responsabilité dans le cadre de ses compétences… Je regrette de n’avoir pas retenu le nom du directeur du département des Études secondaires : je n’acceptai pas son aide matérielle, mais sa protection administrative nous fut précieuse.