7.1.1 « Un établissement destiné aux enfants de la “vieille” émigration. »

—Tadeusz Łepkowski, élève. Une école libre polonaise en France occupée (2012), d’après Wolna szkoła polska w okupowanej francji (1990).
Il est indiscutable que le lycée Cyprian Norwid était dorénavant un établissement destiné aux enfants de la « vieille » émigration, qui constituaient les trois quarts des effectifs plus jeunes que jamais. Les élèves qui se trouvaient plongés dans le milieu polonais bruyant et pratiquement bilingue de Villard, où s’était créé un idiome mixte très particulier, vivaient et étudiaient dans des conditions difficiles. Les chambres des internats étaient surpeuplées et l’hygiène y laissait à désirer, notamment par manque de savon de bonne qualité. La nourriture, même celle de la ferme à laquelle les élèves continuaient de travailler, restait insuffisante. Quant au règlement et au mode de vie, ils ne se différenciaient que peu des années antérieures, à un point près, mais de taille : dans les chambres, les salles de classe, les couloirs et même dans la rue, les élèves avaient une tendance excessive à parler français entre eux, ou dans un mélange de polonais et de français.
Très nombreuses sont les annotations des professeurs faisant état des grandes insuffisances linguistiques des élèves de gymnase. Cela montre l’immensité du travail accompli par les enseignants pour faire revivre la langue polonaise chez les jeunes issus de la vieille émigration. Ceux-ci, dans leur grande majorité, prenaient leurs études très au sérieux et mesuraient à sa juste valeur la possibilité qui leur était offerte d’étudier dans un cadre polonais. Ils respectaient leurs enseignants, vis-à-vis de qui la distance était cependant plus grande qu’elle ne l’était dans l’« ancien Villard ». L’établissement se normalisait, perdait son ancien caractère de communauté, d’universitas. Même les infractions au règlement, les farces, les plaisanteries revêtaient le plus souvent un caractère de gamineries.
La pratique religieuse, à laquelle le fondement patriotique commençait à faire défaut, faiblit quelque peu. La chorale, toujours dirigée par Berger, s’était appauvrie de ses meilleurs solistes, même si certains anciens qui poursuivaient leurs études à Grenoble après le baccalauréat revinrent chanter avec le groupe. Si ces chants collectifs et les soirées dansantes avaient beaucoup de succès, ce n’était plus le cas des activités culturelles ni des représentations théâtrales.