Printemps 1946, au-dessus de Lans-en-Vercors sur le plateau des Ramées, autour des professeurs Józef Mul (cravate rayée) et Stefan Wrona (cravate unie).

Zakrzewski Janusz Zdzisław

— Élève

Zakrzewski Janusz Zdzisław

2e année de lycée 1940-1941.

Janusz est né le 7 mai 1924 à Poznań (Pologne). Il est le fils d’un officier d’état-major aux nombreux changements d’affectation dont le dernier l’amène à Bucarest.

Le 1er septembre 1939, Janusz, est à Varsovie. Il est scout, affecté à une équipe de défense aérienne avec pour mission d’éteindre les feux causés par les bombes incendiaires. Quand la Pologne est envahie, il se replie avec l’armée polonaise en Roumanie puis rejoint Paris d’où il tente sans succès d’aller en Angleterre. Il gagne Saint-Jean-de-Luz, Bordeaux et Nice où il rencontre Kazimierz Fabierkiewicz, le directeur du lycée polonais Cyprian Norwid de Paris maintenant fermé. Janusz est dirigé vers le refuge polonais de Juan-les-Pins où il rencontre Janusz Sopoćko. Ils apprennent la création d’un nouveau lycée polonais Cyprian Norwid à Villard-de-Lans. Ils le rejoignent à son ouverture à l’automne 1940.

En 1941, Janusz obtient le baccalauréat et entre à l’Institut polytechnique de Grenoble, département électricité. Il rejoint la POWN et circule entre Grenoble et Lyon.

En avril 1943, avec Janusz Sopoćko, ils reçoivent l’ordre du colonel Jaklicz de rejoindre l’Angleterre pour y intégrer l’armée polonaise. Ils sont arrêtés à Le Boulou, près de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Ils sont incarcérés dans la citadelle de Perpignan. Après des interrogatoires particulièrement sévères, ils sont envoyés à Royallieu, au camp de transit, triage et affectation (frontstalag 122), situé à Compiègne.

Le 25 juin, ils sont acheminés vers un camp de concentration du II Reich. Le 27 juin, ils arrivent à Buchenwald. Ils sont enregistrés comme déporté relevant de l’opération Meerschaum (Écume de mer) dont l’objectif est de gérer plus rationnellement l’affectation des prisonniers à la production de guerre allemande. Ils reçoivent les numéros de matricule 14821 et 14822. Ils déclarent tous deux avoir des compétences de serrurier. Il est aussi noté que Janusz parle le français, l’allemand et l’anglais, qu’il est étudiant en électrotechnique, que sa mère Anatolia réside à l’hôtel du Manoir à Vic-sur-Cère (Cantal).

Janusz est affecté au blok 59. Il passe par plusieurs kommandos de travail (carrière, usine métallurgique, construction de voies ferrées). Au cours de cette période, le camp est bombardé et ses effets personnels sont détruits. À quatre reprises, il reçoit un secours financier pour les petits achats au camp d’un Kazimierz Urbańczyk, domicilié à Lyon. Après une tentative d’évasion, il est envoyé au camp central où il rencontre Zygmunt Lubicz-Zaleski (voir le parcours suivant), directeur du lycée polonais de Villard-de-Lans, son professeur. Il tombe alors malade et entre à l’infirmerie du camp.

Début avril, la plupart des détenus sont évacués en train vers Flossenbürg. Janusz n’en est pas. L’organisation clandestine des prisonniers prend le contrôle du camp. Le 11 avril 1945, quand l’armée américaine arrive, les détenus leur remettent les SS qu’ils ont capturés. Janusz, très malade, est rapatrié vers la France.

Dans les semaines et les années qui suivent, Janusz, souffre de tuberculose. Il fait des séjours au sanatorium d’Hauteville (Ain). Il y rencontre sa future compagne. En 1948, revenu en Pologne, Janusz reprend ses études d’électricité à l’École polytechnique de Varsovie. Elles le mèneront à une brillante carrière dans son pays et en Afrique.

Honneurs France

  • Médaille de Déporté résistant.

Janusz Zakrzewski témoigne dans Notre école

Je suis arrivé à Villard pour l’année scolaire 1940-1941 avec mon ami Janusz Sopoćko. Il a rejoint la classe de Seconde et moi celle de Première. Au lycée, chacun de nous a vécu sa vie indépendamment de l’autre. Avant et après notre séjour à Villard, au contraire, nous avons été très liés.

Le professeur Zaleski était, quant à lui, indéniablement celui qui jouissait de la plus grande autorité morale et intellectuelle à Villard. Je ne parlerai pas ici de ce que le lycée lui devait en tant que fondateur, de l’ambiance qui y régnait ou du niveau de l’enseignement donné dans la mesure où ce sont là des mérites connus de tous. En revanche, il me semble pertinent de noter une rencontre avec le professeur Zaleski que Janusz Sopoćko et moi avons faite hors du lycée.

Les aléas de la guerre voulurent qu’avec Janusz nous nous retrouvâmes au camp de concentration de Buchenwald. Nous y étions déjà depuis plusieurs mois lorsqu’un jour nous avons aperçu dans un groupe de nouveaux arrivants notre professeur en tenue de déporté, au regard perdu à ce qu’il nous sembla. L’inquiétude nous gagna de voir un homme de pareille envergure, tellement sensible et auquel nous tenions, projeté dans des conditions de vie spécialement élaborées pour détruire les êtres tant physiquement que moralement. Nous courûmes le rejoindre avec le désir enthousiaste de lui venir en aide dans la mesure de nos possibilités et surtout de lui remonter le moral. La première question que nous lui adressâmes fut : « Comment allez-vous, Monsieur, quelle est votre situation ? » En nous apercevant, il eut ce sourire particulier que nous connaissions si bien et il répondit : « Tout va très bien, Madame la marquise ». Aucune trace d’effondrement psychologique. Nous eûmes l’impression qu’il acceptait ce qui lui arrivait avec un calme philosophique absolu. Par la suite, nous lui avons fréquemment rendu visite au Blok où il habitait (le verbe « habitait » sonne étrangement dans les circonstances du camp). Nous cherchions à augmenter sa ration alimentaire avec de la nourriture arrivée par colis ou que nous avions réussi à nous procurer par d’autres moyens : du pain contre des cigarettes, ou de la soupe récupérée au Blok des expérimentations. Notre professeur était réticent à accepter notre aide et cherchait à nous convaincre qu’elle était plus utile aux jeunes.

Un jour, nous avons été avertis que des étrangers, des détenus originaires de l’est de l’Europe, s’intéressaient sérieusement à notre professeur en affirmant qu’il était un politicien polonais de haut rang, ennemi juré du communisme. Or qui sait ce qui peut passer par la tête de fanatiques politiques, même en détention. Nous nous sommes alors mis à clamer partout ostensiblement que le détenu Zaleski était enseignant et que c’est par pur hasard qu’il avait le même nom qu’un politicien polonais. L’affaire se tassa heureusement très vite.

Peu de temps après, nous fûmes envoyés en kommando, comme s’appelaient les groupes de travail forcé : moi à Cologne, Janusz à Weimar. Je perdis contact avec notre professeur jusqu’à ignorer ce qu’il était devenu. Je sais aujourd’hui qu’il a survécu au camp et a pu gagner la France après la guerre