Markiewicz Michał
— Élève
2e , 3e et 4e années de gymnase 1942-1945.
Michał Markiewicz est né le 18 septembre 1928, Badonviller (Meurthe-et-Moselle).
Orphelin très jeune, il est élevé dans une famille française et ne parle pas le polonais. Au début de la guerre, il rejoint le centre d’accueil polonais d’Usat-les-Bains dans les Pyrénées. Il entre à l’école communale française et profite des activités diverses organisées par les adultes polonais pour redonner le sourire aux enfants. Ernest Berger, futur professeur au lycée, et son épouse Małgorzata y sont également. Cette dernière lui donne ses premières leçons de polonais.
Les Allemands ferment le refuge. Michał rejoint Villard-de-Lans, d’abord le collège Stella Matutina puis le lycée polonais. À la fermeture du lycée, plutôt que de le suivre à Paris, Michal rejoint le camp de la Courtine où il obtient le baccalauréat. Cet épisode est décrit plus bas.
Michał poursuit ses études à Grenoble, Lyon et Toulouse. Il devient alors ingénieur et travaille pour la Compagnie électrochimique d’Ugines. Michal est très attaché au lycée et à notre association. Il est un fort caractère, vivant, enjoué, très précieux dans nos rassemblements par ses critiques et ses propositions, un acharné supporteur du travail de mémoire que nous effectuons.
Il décède en 2018.
Ce texte fait partie de notre livre Notre école.
À la rentrée scolaire 1945-1946, Villard reçut un nouveau professeur chargé d’un cours intitulé « La nouvelle Pologne », Stefan Wrona. Ce professeur envoyé par l’ambassade polonaise de Paris venait directement de Pologne, et ceci après que la France eût reconnu la nouvelle République populaire de Pologne.
Dès ses premiers cours, la coloration communiste de son enseignement était limpide et il ne s’en cachait pas. À la question posée par l’un de nous pour connaître la position d’un Polonais en cas de guerre avec la Russie, sa réponse était formelle : une guerre contre la Russie était inimaginable depuis que la république bourgeoise avait été remplacée par une république populaire, etc.
J’étais alors en Première Math-Physique et ma chambre, au Parc, était mitoyenne à la sienne. Souvent nous entendions Wrona marmonner à haute voix comme un homme ivre. En réalité, je ne pense pas qu’il fût ivre. Il était malheureux, sans amis, aucun professeur ne frayait avec lui. Des mots qui nous parvenaient à travers la cloison, nous comprenions qu’il se lamentait de ce que les élèves semblaient ignorer la réalité de la Pologne bourgeoise d’avant-guerre. D’autres rares élèves, par intérêt, jouaient les convertis. Marian J., qui voulait traîner au lit le dimanche matin, sollicita son approbation pour ne pas aller à la messe et naturellement il fut encouragé à ne plus y aller.
Pour comprendre l’ambiance qui existait dans ma classe de Première, il faut se souvenir de l’origine des élèves d’alors. Voyons la photo de ma promotion… Un effectif de quatorze élèves. Un ancien de la Wermacht originaire de Silésie qui se trouvait dans un hôpital militaire allemand à Aix-les-Bains au moment de la Libération. Quatre anciens étaient plus ou moins melmbres de l'Armia Krajowa, le plus important mouvement de résistance en Pologne ; ils étaient arrivés de Pologne via l’Allemagne occupée par les Alliés. Un arrivé de Pologne avec sa mère, et dont le père fut retrouvé par la suite assassiné à Katyn. Et huit de l’ancienne immigration. Comme on peut l’imaginer, cette population était globalement peu favorable aux idées de Wrona.
Donc, durant l’année scolaire 1945-1946, la présence de Wrona montrait qu’il y allait avoir un changement dans la destinée de Villard, mais officiellement nous ne savions absolument rien. Chacun avait sa petite idée, mais on n’en parlait pas, ni entre nous ni avec les professeurs qui semblaient figés dans l’incertitude de leur propre décision, tant la présence de Wrona était oppressante. La fin de l’année approchait, et je ne me souviens pas d’avoir été informé que j’aurai à effectuer ma seconde et dernière année de lycée à Paris, où devait se retirer l’école. Toujours cette ambiance pesante et étouffante.
Un camarade plus engagé que les autres, ayant décidé de son non-retour en Pologne, m’informa de la création « probable » d’un cours prébaccalauréat au camp de La Courtine, où l’armée anglaise avait regroupé tous les Polonais qui s’étaient présentés à eux dans les derniers mois de la guerre et qui n’avaient pas été intégrés dans une unité combattante : prisonniers de guerre, déportés politiques ou du travail libérés par l’avance des forces alliées, anciens militaires réfugiés en France, etc. Imbibés de la culture patriotique et anti-bolchevique de Villard, nous fûmes finalement nombreux à nous sentir encore « en guerre » et à ne pas suivre Wrona, mais ceci à titre individuel, sans aucune entente mutuelle.
Une fois parti de Villard, il fallait se préoccuper de rejoindre le camp militaire de La Courtine, connu aussi sous le nom de camp du Larzac. Pour les vacances scolaires de 1946, je rejoignis mes sœurs qui constituaient l’essentiel de ma famille et qui étaient alors infirmières à l’hôpital polonais militaire d’Aix-les-Bains. De là, en septembre, en me déguisant de bric et de broc en militaire et avec des papiers bidon, je gagnai La Courtine. Je fus surpris d’y retrouver six camarades de ma classe, dont une fille ! Franchement, je ne peux chiffrer l’effectif global de ces cours, uniquement 2e de lycée, mais nous devions être grosso modo quatre-vingts élèves dont une trentaine de Villard. Parmi ces derniers, il y en avait quelques-uns qui auraient dû normalement faire leur Première. En se présentant au bac, ils allaient gagner une année.
Le programme scolaire me semble avoir été sérieux et les professeurs compétents. Sur nos diplômes de baccalauréat reçus en fin d’année figuraient les signatures de Jadwiga Aleksandrowicz, Zygmunt Zaleski et Wacław Godlewski. À leur signature, ces deux derniers avaient accolé leur titre de Directeur du Lycée polonais de Villard-de-Lans !